L'engagement de l'écrivain
Chaque
époque a attribué à l’art des fonctions différentes, ou mieux, a mis l’accent
sur telle ou telle fonction.
La Seconde Guerre
mondiale a fait de l’engagement un impératif et de la création littéraire une responsabilité.
L’artiste n’a plus le droit de faire l’art pour l’art, mais pour le changement.
Un grand nombre d’écrivains sont engagés politiquement ; tel engagement
implique-t-il leurs ouvres littéraires ? Puis, comment une œuvre littéraire
peut-elle concilier l’individualisme de l’écrivain et la cause de la
collectivité ? Enfin, en quelle mesure le roman et la poésie
permettent-ils de développer une littérature engagée ?
L’engagement est un acte ou attitude d’un intellectuel qui,
prenant conscience de son appartenance à la société et au monde de son temps,
renonce à une position de simple spectateur et met sa pensée ou son art au
service d’une cause. Celle-ci peut être dénoncer une injustice, critiquer des mœurs
etc.
En fait, la question de
l’engagement a été perçue de différentes manières à travers le temps. Pour les Parnassiens,
l’art n’a pas de vocation autre que l’art. Théophile Gautier, leur chef,
affirme : « Tout ce qui est utile est laid » C’est- à -dire
que l’art n’a pas à servir à une fin utile, mais qu’à exprimer le beau et le
sublime.
C’est ainsi que ces poètes
refusent l’engagement et conçoivent l’art pour l’art. Or l’histoire littéraire française
regorge d’écrivains pleinement engagés dans les affaires publiques et
politiques de leur temps.
Sartre est l’un des
figures emblématiques de l’intellectuel et écrivain engagé. Dans Situations II,
recueil d’articles, Jean Paul Sartre déclare :
Je tiens Flaubert et Goncourt
pour responsables de la répression qui suivit la Commune parce qu'ils n'ont pas
écrit une ligne pour l'empêcher. Ce n'entrait pas leur affaire, dira-t-on. Mais
le procès de Calas, était-ce l'affaire de Voltaire ? La condamnation de
Dreyfus, était-ce l'affaire de Zola ? L'administration du Congo, était-ce
l'affaire de Gide ? Chacun de ces auteurs, en une circonstance particulière de
sa vie, a mesuré sa responsabilité d'écrivain. L'occupation nous a appris la
nôtre. (Situation II ,1948, Éditions Galimard)
Dans cette série de questions rhétoriques,
l’auteur de La Nausée nous rappelle quelques écrivains qui n’ont pas hésité
à se compromettre pour dénoncer l’injustice en faisant les leurs les causes des
opprimés. En même temps, Sartre condamne le modèle négatif de l’écrivain
parasite, populiste et hypocrite, notamment dans l’exemple de Flaubert, de Goncourt,
voire de Balzac qui a fermé les yeux sur les révoltes de 1848.
À vrai dire, il est rare qu’un écrivain engagé politiquement
n’implique pas son œuvre littéraire. Dans son essai Qu’est-ce que la littérature
? Publiée en 1948, qui est une sorte de conception sartrienne de la
littérature engagée, le compagnon de Simonne de Beauvoir y répond aux trois
questions suivantes : « Qu'est-ce qu'écrire ? »,
« Pourquoi écrire ? », « Pour qui écrit-on ? ».
L’auteur esquisse
une réponse en considérant ce qu’écrire n’est pas : écrire n’est pas
peindre, écrire n’est pas composer de la musique. En effet, contrairement au
peintre ou au musicien qui se contentent de présenter les choses et de laisser
le spectateur y voir ce qu’il veut, l’écrivain, lui, peut guider son lecteur.
La chose présentée n’est plus alors seulement chose, mais devient signe.
L’histoire de la littérature française est marquée par un
grand nombre d’écrivains qui se sont engagés et impliqué leurs œuvres .On peut
citer : Chateaubriand ,Lamartine, Victor (à travers son recueil de poèmes Les
Châtiments pour dénoncer le coup d’État de Napoléon III ou son roman Le Dernier Jour d’un condamné pour se prononcer contre la peine de mort ) ,Jules
Vallès (avec L’Insurgé),Émile Zola (avec sa fameuse lettre ouverte
‘’J’accuse’’),André Malraux,(avec la Condition Humaine),Sartre
(avec Les Mains Sales, bien qu’il soit celui qui a théorisé et pratiqué l’engagement
sur une grande échelle ),Albert Camus(emblème de la gauche humaniste, avec la
Chute),Louis Aragon qui est resté inscrit au Parti Communiste français jusque
sa mort ,avec le roman achevé …
Certes la littérature peut servir comme un outil d’engagement
politique, morale ou social, or certains écrivains ont refusé tout engagement quelconque.
Du surréalisme au structuralisme en passant par le Nouveau Roman et en
conduisant jusqu’à aujourd’hui, telle est — si on la perçoit superficiellement
— la position des avant-gardes et de ceux qui en furent les héritiers :
depuis André Breton condamnant la misère de la poésie, Alain Robbe-Grillet
posant que le seul engagement possible pour un écrivain est la littérature même. Le « pape » du
Nouveau Roman ironise sur ce schéma idyllique : « l’Art et la Révolution
avançant la main dans la main. »
D’un autre point de vue,
la littérature ne doit pas en aucune circonstance se transformer en un moyen de
propagande aux mains de l’État. Dans le cas échéant, les intellectuels «
officiaux » puisque ne peuvent pas être qualifiés d’engagés ne seront que
des soldats avisés de la machine idéologique.
Au cours de l’Histoire,
les écrivains se sont servi de l’imaginaire romanesque et poétique pour exprimer
leurs points de vue (bien que Sartre renie que la poésie puisse jouer le rôle
de médiatrice d’un engagement du genre politique mais c’est un avis discutable
puisque Victor Hugo n’a pas eu d’inconvénient à marier esthétique poétique et
engagement politique- Cf. Les Châtiments -).
Un écrivain est « dans
le coup », quoi qu’il fasse, marqué, compromis, jusque dans sa plus
lointaine retraite, nous rassure Sartre, et son livre (celui de l’écrivain) est
un fait social qui caractérise aussi bien une époque que les vêtements qu’on portait,
les aliments qu’on mangeait, les inventions techniques qu’on faisait et les évènements
politiques qui eurent lieu à un moment donné.
Dans la mémoire
collective, Jean-Paul Sartre est le symbole
de l’engagement de l’écrivain. Il affirme qu’un texte n’est jamais
neutre par rapport à l’époque où il est écrit — sauf la poésie qui,
parce qu’elle traite des mots comme la peinture le fait des couleurs, peut ne
porter aucun message.
En somme un écrivain engagé
en politique ne peut être engagé sans impliquer son œuvre littéraire à moins qu’il
ne soit juste un poète comme il jugeait l’auteur du de L’Être et le Néant. Toutefois,
une œuvre littéraire peut bel et bien privilégier une écriture intimiste et en même
temps exprimer des choix politiques, sociaux et idéologiques qui se rapportent
à une collectivité.
Bien que le roman soit
avant tout une œuvre d’imagination dont le la fonction traditionnelle est de divertir,
il peut aussi témoigner d'une prise de position et d'une réflexion critique de
la part de son auteur. Ceci sans qu’il n’en reste aussi une œuvre artistique qui
ne renonce pas à sa part esthétique.
Les écrivains avec
leurs plumes sont tels que des soldats ou des hommes politiques, ils peuvent
participer pleinement dans la cité. L’exemple de Jean Paul Sartre en est un
incontournable.
Or comment dans un pays
ou le livre n’est qu’un élément de décors de la chambre, où les intellectuels
et les écrivains sont marginalisés et condamnés au mutisme peut-on parler d’engagement
littéraire ou politique ?
Notez bien :
Cette dissertation a été rédigée à partir de
quelques articles du net, conjugués aux connaissances accumulées au cours des séminaires
auxquels j’ai assisté et mes propres lectures.
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